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CLASSIFICATION SAQ


CLASSIFICATION SAQ


Vous n’avez peut-être jamais entendu parler de cette classification, mais les produits québécois sont regroupés en trois grandes catégories par la SAQ : ceux qui sont embouteillés au Québec, ceux qui sont préparés au Québec, et enfin, ceux qui sont d'Origine Québec. Ces distinctions sont indiquées sur les fiches produits du site web de la SAQ ainsi qu'à côté des prix sur les étagères en succursale. Cependant, par erreur, il n’est pas rare de voir la mauvaise étiquette sous le produit, ce qui trompe le consommateur. Pour le commun des mortels, il n’est pas évident de comprendre les différences entre les catégories, car les définitions sont floues et l’utilisation que la SAQ en fait prête parfois à confusion. J’ai donc tenté de reformuler les définitions plus clairement et de vous donner des exemples concrets.







EMBOUTEILLÉ AU QUÉBEC


Les produits classés comme "embouteillés au Québec" regroupent tous les spiritueux qui ne sont pas produits par distillation sur le sol québécois ou les produits importés par un promoteur québécois, qu’ils soient distillés ou non. Si un produit porte la mention "embouteillé au Québec", cela signifie que le produit a été distillé ou élaboré à l’extérieur du Québec par un tiers et est prêt à être consommé tel quel ; il est acheminé au promoteur puis embouteillé quelque part sur notre territoire. Cela peut être un produit connu mondialement, importé en vrac. Il porte le nom de la marque mondiale à la suite de son embouteillage. Ou bien, ce peut être un nouveau produit fait pour le promoteur québécois, qui est importé, et portera le nom d’une marque québécoise.

 

Dans certains cas, cela peut également signifier, par exemple, qu’un alcool neutre préalablement distillé à l’extérieur du Québec est acheminé au Québec pour y être ensuite aromatisé sans processus de redistillation de l’alcool neutre en alambic avec les composants aromatisants.

Exemple #1

Une entreprise québécoise achète de l'alcool neutre auprès d'un fournisseur situé à l'extérieur du Québec, puis le rapatrie dans ses installations. Cette entreprise dilue ensuite cet alcool neutre avec de l'eau et commercialise le produit sous l'appellation "vodka". Le producteur n'a donc pas besoin d'effectuer de distillation en alambic.


Exemple #2

Une entreprise québécoise achète de l’alcool neutre auprès d’un fournisseur situé à l’extérieur du Québec, puis le rapatrie dans ses installations. Cette entreprise aromatise ensuite l’alcool neutre sans la redistiller pour fabriquer un compound gin, certaines liqueurs amères, certaines crèmes alcoolisées, etc., en ajoutant, assemblant et mélangeant des huiles essentielles, des distillats, des extraits, du sucre, ainsi que des arômes naturels et/ou artificiels dans l’alcool neutre. Les ingrédients aromatiques peuvent provenir du Québec ou d’ailleurs.


Exemple #3

Une entreprise québécoise achète de la tequila au Mexique. Cette tequila a été distillée par un producteur mexicain sur le territoire mexicain. Ensuite, cette entreprise québécoise importe la tequila au Québec et la met en bouteille. Elle peut porter la mention "Tequila", car elle a été distillée au Mexique.


Exemple #4

Une entreprise québécoise achète à l’extérieur du Québec différents barils remplis de whisky, tels qu'un baril de bourbon d’une distillerie du Kentucky, un baril d’une distillerie au Texas, ou simplement des barils de whisky canadien. Elle importe ensuite ces barils au Québec et les assemble pour créer un whisky. Aucun brassage, ni fermentation, ni distillation n’est effectué sur le sol québécois dans ce processus.


Exemple #5

Un genièvre connu mondialement est élaboré aux Pays-Bas puis acheminé à Montréal pour y être embouteillé sous son nom d’origine connu à l'international. Ce produit est considéré comme étant québécois par la SAQ et se retrouve dans la catégorie « embouteillé au Québec ».


Opinion

Lorsqu’un épicier du Québec importe des bananes de l’Équateur, les emballe dans une pellicule plastique pour ensuite les vendre sur ses tablettes, la banane, étant un fruit tropical, ne devient pas par magie un fruit du Québec. Alors, je n’arrive pas à comprendre pourquoi notre gouvernement considère qu’un spiritueux importé d'ailleurs, puis embouteillé au Québec, se transforme systématiquement en spiritueux québécois alors que sa conception et le savoir-faire qui se cachent derrière sa réalisation proviennent d'ailleurs. À mon avis, les produits importés ne devraient tout simplement pas être attachés à une mention québécoise, car cela dévalorise les spiritueux authentiquement québécois.


PRÉPARÉ AU QUÉBEC


Les spiritueux classés comme "préparés au Québec" sont le résultat d'une redistillation d'un alcool neutre ou artisanal en alambic, une pratique couramment utilisée pour la production de gins. Cet alcool neutre est généralement importé de Greenfield, en Ontario. Pourquoi cette préférence pour l'Ontario plutôt que le Québec ? La principale raison en est qu'il n'existe actuellement aucune distillerie ou usine au Québec capable de fournir une quantité suffisante d'alcool neutre pour répondre aux besoins de l'ensemble des distilleries québécoises. Cependant, cette situation pourrait évoluer prochainement.

 

Pour la confection d’un gin ou autres, tous les aromates sélectionnés pour la recette, qui sont originaires du Québec, doivent être cueillis et achetés au Québec s'ils sont disponibles en quantité suffisante. Par exemple, étant donné qu'il n'y a pas d’agrumes cultivés au Québec, il est permis de s’approvisionner par le biais d’importateurs. Un gin classé comme « Préparé au Québec » peut contenir jusqu'à 100 % d’aromates du Québec, mais il peut également ne pas en contenir du tout si la distillerie déclare que ces ingrédients ne sont pas disponibles localement.

 

C'est la méthode la plus standard et populaire pour la fabrication du gin au Québec, comme à travers le monde entier. Cela n'a rien de péjoratif : le distillateur débute son boulot avec une base neutre stable et la retravaille, la transforme en y ajoutant des textures et des parfums grâce à une redistillation avec diverses techniques et différents aromates dans son alambic.

Exemple #1

Une distillerie québécoise importe de Greenfield, en Ontario, de l'alcool neutre qu'elle transforme ensuite dans ses installations pour créer un gin. Elle redistille cet alcool neutre dans un alambic en y ajoutant des aromates récoltés directement dans la forêt boréale du Québec.


Exemple #2

Une distillerie québécoise importe de Greenfield, en Ontario, de l’alcool neutre qu’elle transforme ensuite dans ses installations pour créer une vodka aromatisée. Elle redistille cet alcool neutre dans un alambic en y ajoutant, par exemple, un fruit des champs provenant du Québec.


La faille avec la catégorie Préparé au Québec

Certaines entreprises utilisent des tactiques astucieuses pour contourner les règlements en vigueur lors de la production de gin, par exemple. Elles ne distillent parfois qu'un ou deux aromates en alambic pour entrer dans la catégorie « Préparé au Québec », puis complètent le reste avec l’ajout des huiles essentielles, des extraits ou des arômes naturels en post-distillation, non produits par elles-mêmes. À mon avis, cela devrait être interdit, car cela porte atteinte à l'intégrité des distilleries qui opèrent avec transparence dans la catégorie « Préparé au Québec ». En tant que consommateur, vous avez le droit de savoir ce que vous buvez, et croyez-moi, il y a malheureusement plusieurs compagnies qui font ce genre de tours de passe-passe.


ORIGINE QUÉBEC

Cette catégorie est étroitement liée à la philosophie du « champ à la bouteille ». Les spiritueux classés Origine Québec sont ce qui se rapproche le plus d'un produit 100 % local, bien que cela ne soit pas nécessairement toujours le cas.

 

Pour être classée dans cette catégorie, une distillerie doit produire son propre alcool à partir de matières premières québécoises telles que céréales, fruits, miel, érable ou légumes. À travers leur savoir-faire, elles créent un moût, le brassent, le font fermenter, puis le distillent en alambic. La distillerie est impliquée dans toutes les étapes de la production de l’alcool.

 

À l'exception des matières premières utilisées pour fabriquer l'alcool, certains ingrédients difficiles à trouver au Québec peuvent être importés, à condition que la distillerie démontre qu'ils ne sont pas disponibles localement. Ainsi, il est possible d'avoir un gin « Origine Québec » dont l'alcool est produit au Québec, mais dont les aromates proviennent à 100 % de Thaïlande, par exemple. Place au débat !

Exemple #1

Pour créer une vodka 100 % québécoise, le distillateur transforme les matières premières québécoises en spiritueux. Il utilise des céréales québécoises pour élaborer un moût, qui est ensuite soumis à la fermentation et à la distillation. Le distillat obtenu est ensuite dilué avec de l'eau de qualité, puis filtré pour obtenir la vodka.


Exemple #2

Pour fabriquer un gin 100 % québécois, une distillerie québécoise crée son propre alcool neutre en transformant intégralement sa matière première québécoise, suivant le même principe utilisé pour la fabrication d'une vodka 100 % québécoise. Une fois l'alcool neutre produit, elle le redistille en alambic avec des aromates provenant exclusivement du Québec, créant ainsi un gin entièrement composé de matières québécoises.


Exemple #3

Une distillerie québécoise achète du sirop d’érable du Québec qu'elle fait fermenter, puis elle le distille pour créer un acerum blanc.


Exemple #4

Une distillerie québécoise cultive ses propres céréales sur ses terres ou achète des céréales québécoises auprès de cultivateurs locaux. Elle crée un moût, le brasse, le fait  fermenter, puis le distille en alambic pour produire un whisky blanc. Ensuite, elle le place en barils où il reposera dans un chai pour un minimum de trois ans afin de développer un whisky 100% québécois.


La problématique avec la catégorie Origine Québec

Une distillerie qui importe ses matières premières de base de l'extérieur du Québec, même si c’est une proportion minuscule, par exemple 4%, dans le but de les transformer pour créer son propre alcool de base se retrouve, par défaut, dans la catégorie « Préparé au Québec ». Cela est dû au fait que la matière première utilisée pour fabriquer l'alcool n'est pas d'origine québécoise. Malgré tout le savoir-faire dans le processus de transformation des matières premières, elle ne peut pas être reconnue comme étant « Origine Québec ». Par exemple, il est impossible d’avoir un rhum Origine Québec, car la matière première nécessaire (la canne à sucre) ne provient pas du Québec. À titre de comparaison, de nombreuses distilleries écossaises importent leurs céréales pour produire leur Scotch, et pourtant le Scotch demeure un whisky écossais (ce qui soulève un autre débat intéressant ici).


CONCLUSION


Il existe une diversité de produits adaptés à toutes les circonstances, aux goûts et aux budgets. La classification en elle-même n'est pas nécessairement indicative de la qualité, mais il est crucial de bien les différencier et de les comprendre. Comme vous pouvez le constater, il y a des points positifs mais aussi des points négatifs et des lacunes dans chacune des catégories. Il  y a des produits excellents et d'autres moins bons dans chaque catégorie, tout comme il existe de bons fast-foods et de piètres restaurants gastronomiques, et vice-versa.


En tant que consommateur, il vous revient la tâche de vous informer, de poser des questions et surtout de savoir ce que vous consommez. La transparence du producteur est essentielle pour éclairer vos choix. Malheureusement, il n'y a pas de police systématique qui vérifie si les producteurs classent correctement leurs produits. Cependant, la SAQ se réserve le droit de réviser des ententes et parfois d'exiger des remboursements si un producteur a induit les consommateurs en erreur dans le but d'obtenir un avantage financier.

 

Il est important de ne pas catégoriser une distillerie uniquement dans une seule classification. Il est préférable d'appliquer les classifications en fonction des différents spiritueux qu'elle produit. Chaque produit peut avoir son propre parcours et processus de fabrication, ce qui peut conduire à des classifications différentes pour les produits au sein d’une même distillerie.


T E X T E

Lukas Lavoie







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